Aéroport d’Orly. 7 heures du mat. Acheter un nouveau rouge à lèvres. Et voler du temps au temps pour écrire.

« La maison est nichée dans une petite impasse donnant sur l’avenue Junot ; la plus belle avenue de Montmartre. La plus chic aussi. Le genre de truc où l’on se dit que les mecs qui vivent ici ont forcément réussi. 
Et sont forcément heureux.
« Il faut qu’on trouve un truc où les filles puissent aller au collège en bus, et en même temps, il faut que Milo puisse continuer à aller à l’école à pieds.
On va y arriver chérie.
Mais la plupart des grands apparts sont déjà loués. Les gens normaux, ils cherchent en juin, pas en septembre.
Je te dis qu’on va trouver. L’ami d’un ami va peut être louer une maison Villa Léandre.
Villa Léandre?
Tu vois où c’est ?
C’est la plus jolie petite impasse de la terre, un décor de film pour une histoire de film. Le genre de truc où quand tu passes devant, tu te dis que tu rêverais d’habiter là mais que ça ne t’arrivera jamais parce que c’est pas pour toi.
Alors ça sera pour nous chérie parce que rien n’est trop beau pour nous mon amour. »
Mon amour. Peut-on aimer les gens six mois.
Ne pas se poser la question pour ne pas avoir à y répondre.
Ils avaient eu les clés 15 jours plus tard.
Le 8 septembre.
Ils avaient fait une photo tous les cinq assis sur les quelques marches de la porte d’entrée bleu marine et dorée. Elle, lui, et les enfants. Tous souriaient, tous avaient l’air heureux. Y avait-il déjà, quelque part au fond de son regard, des traces de mélancolie ? Sans doute. N’avait-elle rien vu ou n’avait-elle rien voulu voir ?
Ce jour-là, ils font une photo tous les cinq et ils sont l’incarnation de la famille recomposée réussie. Ils sont beaux, leurs enfants aussi, leur maison aussi et ils s’aiment.
Ce jour-là, personne ne peut imaginer que six mois plus tard, les camions des déménageurs se gareront à nouveau devant l’auvent de la petite maison de briques rouges.
Nous sommes le 8 septembre 2015. »
Sinon, mon nouveau rouge à lèvre est un Chanel.
Numéro 150. Luxuriant.